Le chemin-corps Serpentine
Serpentine rythmée d’arches
Foisonnantes
De pousses printanières naissantes
De méandres des tiges anciennes
Du piaffement des oiseaux nidificateurs
Comment y répondre ?
Comment être avec ?
Les chèvrefeuilles, les orties, les myosotis, la passiflore, les euphorbes…
Se faire belle
Parée d’une nouvelle robe en voile de soie blanche
Aux légères ondulations
Et rubans virevoltants
Telle une nymphe des temps anciens
Danser
Etre en mouvement
Avec les courbes végétales
Au rythme des feuilles
Traversées par l’air et la lumière du matin
Donner
Déposer dans les méandres de chaque arche
Une tige-fleurs
De coutures et de fibres
Se révolter
Imbiber les tiges-fleurs de jus-sang
Les laisser suinter
La souffrance de Gaia
Porter le casque
Être guerrière ?
Combattre l’attaque sur la faune et la flore ?
Amazone terrestre
Jouer
Avec les graines ailées des akènes
Être légère ?
Toute en vapeur de pensées suspendues ?
La danse est terminée
Le goute à goute se poursuit
Filet de sang, filet de vie
Ils s’uniront à la force végétale
Et nous disparaitrons.
Empêchée de me rendre au square Serpollet pour cause de pied cassé…
J’avais pourtant prévu d’y aller ce vendredi pour m’imprégner du lieu, imaginer une intervention in situ… et chute, fracture…
AAAAAAAAAArgh !!!!!!!!!!
Malédiction ! Déprime ! Fureur ! Détresse ! Injustice ! Peur de l’avenir ! Que faire ?????
Ces mots me rappellent vaguement cet état des lieux auquel nous essayons de répondre avec nos créations : lien dégradé avec la nature, planète en danger…
Mon état n’est pas loin de la collapsologie ambiante ! Ou plutôt (je le découvre en farfouillant sur internet) de la SOLASTALGIE* !
Pour ne pas sombrer, je me tourne vers la divination et les cartes** tentant de trouver un sens à ce soudain empêchement.
Je rassemble tout ce que je peux trouver de naturel chez moi : bouquet garni, brou de noix, jaune d’œuf, pigments (ocres, terres, blanc de Meudon)… et je me mets à l’ouvrage.
Rappel de notre engagement : Utiliser des moyens 90% naturels. Que cette contrainte soit à l’origine de notre pratique et de notre réfléxion. Non pas l’un puis l’autre mais ensemble. Abandonner les médiums polluants, les colles et autres solvants. Explorer les matériaux naturels à notre disposition.
Retour vers cette vieille technique de la peinture d’icône, apprise il y a 20 ans : pigment et jaune d’œuf. Tentative de découvrir des formes dans les branches de serpolet trempées dans le brou de noix.
J’éprouve le désir de petites images consolatrices, celles où l’on trouve ce que l’on cherche. J’éprouve le plaisir de reconnaître dans des formes naturelles hasardeuses des images familières. Je décide des les combiner entre elles en suivant une petite règle du jeu.
J’invente ma petite cuisine divinatoire, à la manière des tireuses de cartes et autres sorcières.
Des images et branchages à disperser dans le square Serpollet, à découvrir en cheminant en se prêtant au jeu des associations.
* voir le texte joint « DON’T WORRY – tout va mal - tout ira bien »
** The Literary Witches oracle – Taisia Kitaiskaia – Katy Horan – Clarkson Potter Ed. 2017
Découverte du square Serpollet jeudi 1er Avril,10h.
Je pousse le portillon et commence mon exploration. Une fontaine, plusieurs séries de marches, plusieurs plateaux verdoyants. A cette heure, l’espace est peu investi.
Seuls les cris de deux petites filles qui jouent sur des balançoires perturbent le silence matinal qui habite les lieux.
Léon Serpollet est le constructeur de la première automobile industrielle à vapeur. Il doit bien flotter dans ce square comme un parfum de voyage, de mobilité.
Je continue ma promenade. Un chemin me mène sous une série de 7 arceaux. Le premier est nu, les suivants semblent se recouvrir peu à peu de végétation au fil de mon avancée. Le dernier disparaît sous les branchages et leurs feuillages.
La nature semble s’être déplacée d’un endroit à un autre. Inexistante sur la voûte métallique en haut du square, luxuriante sur la dernière. Elle aussi a effectué un voyage.
Je pense alors aux fruits des érables, les samares. Cet arbre a conçu son propre moyen de locomotion pour perpétuer son espèce. Chaque samare comporte une coque dans laquelle se trouve une graine plate qui se prolonge d’une aile assez large. Par fort vent, les samares finissent par se détacher de leur support et entreprennent alors leur chute finale et, peut-être, leur déplacement à distance.
J’ai déjà travaillé avec ces petits éléments naturels, fragiles et pourtant dotés d’une résistance incroyable.
Mon intervention fait écho à la nature, à son pouvoir de régénérescence et à son mouvement perpétuel qui passe bien souvent inaperçu aux yeux des hommes.
Mes suspensions de samares, akènes ailés, décomposent les tourbillons qu’elles effectuent lorsqu’elles se détachent de l’arbre.
J’attache entre certaines d’entre elles, des simulacres de ces petites ailes végétales qui deviennent le support de la phrase de Victor Hugo « La rêverie est la vapeur de la pensée ».
Si par mon geste, ces trois dernières peuvent ici se disperser, la nature malgré notre désir incessant de domestication pourra peut-être à nouveau sortir des sentiers battus.