FROP_JOURNAL de BORD

Les beaux restes

J’ai grandi dans les vastes étendues auxquelles Gargantua donna le nom de Beauce.La forêt n’y est qu’une idée. En Beauce, on chemine entre champs et bosquets. Les restes épars d’un grand corps forestier évanoui ponctuent ce paysage domestiqué.Le ciel dialogue avec un sol. L’ombre y est rare. L’horizon est sans obstacle.

C’est par la lumière et la brillance que je veux arrêter le regard sur ce qui reste de bois dans ces espaces plus agricoles qu’arboricoles.

Écorces & branches sans qualité, ramassées le long de chemin sans nom, revêtent l’aspect de reliques & amulettes.

Elles sont les beaux restes habillés de fils, dorures, perles et sequins.

Elles témoignent et mettent en lumière ce qui manque à nos jours.

Elles racontent ces bois abîmés qui appellent une réparation.

Elles nous invitent à renouveler notre attention.

En décrivant un nouveau cercle au-dessus du versant de la montagne, les pilotes avisèrent quelque chose qui ressemblait fort à un jardin potager. Une impression, pensèrent-ils. Quel potager pouvait se trouver dans une zone aussi notoirement sauvage ?! La localité la plus proche n'était-elle pas à deux cent cinquante kilomètres en aval de là ?! Pourtant, vérification faite, c'était bien un potager ! Des sillons marquaient transversalement le flanc du mont. De la pomme de terre sans doute. Et puis une clairière naturelle n'aurait pu percer dans ce massif épais de mélèzes et de cèdres. C'était un jardin déboisé, et depuis longtemps. (...) Mieux vaut, dans ce pays, rencontrer une bête sauvage qu'un homme inconnu. Aussi pour ne pas se perdre en conjecture, les géologues décidèrent d'éclaircir les choses sur-le-champ.

Vassili Peskov Ermites dans la taïga,1995

" Le village dont Jessei avait parlé avec tant de fierté se composait de dix huttes solides, d'un parc où on gardait les rennes, de quelques étables communes. Au centre, se trouvait une fontaine maçonnée, soigneusement protégée du gel par des branchages. Les habitations ne formaient pas un bourg classique ; elles n'étaient pas, comme partout ailleurs, réparties autour de la place centrale, dans une clairière. Elles étaient au contraire dispersées entre les arbres, et si ce n'était la fumée qui s'échappait des cheminées et une bonne odeur de soupe aux choux qui embaumait les alentours, le voyageur inconscient serait passé à côté sans même soupçonner leur existence tant elles faisaient partie intégrante de la forêt. (...)

-- Qu'est-ce que tu fais là, Youri ? hurla-t-elle. -- sa bouche complètement édentée paraissait encore plus horrible quand elle parlait -- Déjà on n'a que des écorces d'arbre à manger, et voilà que tu nous ramènes encore des étrangers !"

H.G. Konsalik Nuits d'amour dans la taïga - 1967

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