L’expression l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours
vient d’une histoire populaire : l’« histoire de l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours » qui stigmatise la déformation grandissante d’un témoignage reçu d’un témoin direct par un ou plusieurs "témoins" indirects. Mais encore plus improbable et sujet à caution est l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours… s’accouplant avec une femme ! Et pourtant ce mythe est avéré dans l’Europe pré-chrétienne. L’ours « rapteur » est redouté mais l’auteur estonien Andrus Kivirähk en fait un partenaire conjugal parfaitement assimilé dans son roman «L’homme qui savait la langue des serpents » (Babelio).« Dans les mythes ursins, l’ours est souvent le rival auquel confronter sa rivalité. Mais il est aussi associé à des figures féminines, guerrières, maternelles ou sexualisées qui cristallisent les fantasmes masculins.
[…] Callisto attise malgré elle le désir de Zeus qui, pour l’approcher, prend l’apparence d’Artémis. Violée par le roi des dieux, enceinte, puis mère d’un enfant nommé Arcas, Callisto est répudiée par la déesse pour avoir renoncé à sa chasteté puis changée en ourse par Artémis ou Héra jalouse. Au moment où son fils devenu chasseur, manque de la tuer, Zeus l’épargne et les change tous deux en constellations, la Grand Ourse et la Petite Ourse, donnant son nom à la région des ours, le cercle arctique. […]
Contrairement au loup, l’ours ne prend pas la brebis, il prend la bergère. On s’imagine qu’il veut la violer, on s’imagine qu’elle se laisse faire. […]
[…]Antoinette Culet : en avril 1602, séquestrée pendant 3 ans (!) par un ours (ou un ermite spécialement velu ?). […]
La folle de Montcalm : une femme retrouvée en 1807 dans les Pyrénées après avoir, semble-t-il vécu au milieu des ours. Comme Callisto elle aurait été violée : la victime étant aristocrate, les ours en question auraient aussi bien pu être des révolutionnaires en goguette. […]
Le fantasme du charme scandaleux exercé par l’ours sur les humaines atteint un sommet lorsque, à Francfort, en 1891, une servante se suicide en se jetant dans la fosse aux ours d’un zoo. […]
« la pauvre fille se déshabille et descend tranquillement en chantant. La bête est surprise d’abord, puis d’un premier coup de griffes elle enlève les 2 seins à la malheureuse qui chante encore »
Le Petit Journal »
Camille Brunel (prof de lettres et critique de cinéma) in revue Billebaude n°9, L’Ours