Texte Luce sur Serpollet, choix du lieu et intention du projet.
Le square Léon Serpollet : un carré qui serpente.
Le réveil grippé de mes articulations me travaille. Et, sur les trajets qui mènent à l'exercice d'une marche quotidienne, je cherche un bruissement du monde qui m'écarte du bâti. Je suis la voie de la lumière ou des sons qui m'invitent à quitter la verticalité de la ville, à retrouver un fourmillement du vivant moins contraint par les arêtes du cadre architectural, plus infléchi, plus courbe, des articulations visuelles du tissu urbain qui soient plus souples.
À Serpollet on oscille entre l'angle et la courbe.
Square, carré, les espaces circonscrits des terrasses de Serpollet le sont. Courbe, le chemin sous les arches, couvertes de lianes, qui coiffent le sol de végétaux.
La ligne du chemin sinueux, chevelu et touffu, s'est imposée à moi comme l'incarnation foisonnante d'une allitération : ça serpente à Serpollet !
Je retiendrai cette partie des lieux pour créer en son milieu.
Ce square est implanté sur les terres où Léon Serpollet (1858-1907) réalisa ses expériences qui aboutirent à la création de la chaudière à vaporisation instantanée (1881), et du tricycle à vapeur (1887). Léon Serpollet se lançant par la suite avec succès dans l’aventure automobile ; ses voitures étant les premières à atteindre les 120km/h.
C'est donc vers une histoire de machine à vapeur et de vitesse que mes articulations grippées m'avaient guidée !
L'histoire du lieu, ainsi que la forme des arches coiffant la courbe du chemin (sorte de mini "circuit automobile"), ont fait émerger l'idée du casque coiffant les pilotes de l'époque. Un casque qui re-connecterait avec les espèces vivantes du site. Une sorte d'enveloppe florale, suspendue entre terre et ciel, captant les transparences de la lumière ; une "fleur de tête" au souple maintien, et à la texture cireuse.
Un ensemble de 6 casques suspendus aux arches du chemin : 5 petits et 1 grand.
Les 5 petits casques aux teintes bleutées sont comme des esprits nuageux et vaporeux, empreints de motifs vers lesquels on lève le regard et qui connectent le volume aux espèces végétales du site. Le plus grand invite à ce que l'on y passe la tête ; son enveloppe englobante semble, elle, comme empreinte de vapeurs de fumée, sorte de relents d'une asphyxiante culture.
Trop grand ou trop petits, ces casques sont une évocation décalée et lacunaire du corps humain. Ils fleurent bon la cire d'abeille ; le corps humain cède la place à d'autres présences animales.
Les casques sont réalisés en intissé teinté au henné sur lequel sont repris au graphite des motifs végétaux issus du lieu. La cire d'abeille fondue recouvre et fixe le volume.